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La relation avec les hommes de pouvoir

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Lettre de 1640 à une religieuse de la Visitation

 

Je vois des Capitaines généreux et vaillants se mettre à genoux à mes pieds, me priant de les faire prier Dieu avant que de manger : Ils joignent les mains comme des enfants et je leur fais dire tout ce que je veux. Il en est arrivé plusieurs d'une Nation fort éloignée, qui nous voyant étaient en peine de notre façon de vie. Ils me demandèrent pourquoi nous avions la tête enveloppée, et pourquoi on ne nous voyait que par des trous, c'est ainsi qu'ils appelaient notre grille. Je leur dis que les Vierges de notre pays étaient ainsi, et qu'on ne les voyait point autrement. Ils étaient ravis de ce que pour l'amour de leur nation nous avions quitté notre pais, et que par une pure charité nous vêtions et nourrissions leurs filles comme si elles nous eussent appartenu.

 

Lettre à son fils, 1654 

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Les Iroquois et leurs principaux Capitaines nous ont visitées à chaque fois qu'ils sont venus en Ambassade : Ils étaient tous ravis d'étonnement d'entendre nos petites Sauvages si bien chanter, car les Sauvages aiment le chant, et ils leur rendaient le retour par un autre chant à leur mode, mais qui n'était pas dans la mesure Françoise. Mais s'ils avoient de la joye, j'en avois bien davantage de voir nos petites Sauvages apprivoisées, et de leur entendre chanter les louanges de Dieu en leur langue barbare . . .

 

Supérieure des Ursulines de Tours, 1661

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Il paraît par votre grande lettre que nous ayons de l'inclination à changer nos Constitutions. Non, mon intime Mère nous n'avons nulle inclination qui tende à cela. Mais je vous dirai que c'est Monseigneur notre Prélat qui en a quelque envie, ou du moins de les bien altérer. (…)
Il nous a donné huit mois ou un an pour y penser. Mais, ma chère Mère, l'affaire est déjà toute pensée et la résolution toute prise : nous ne l'accepterons pas si ce n'est à l'extrémité de l'obéissance. Nous ne disons mot néant moins pour ne pas aigrir les affaires ; car nous avons à faire à un Prélat, qui étant d'une très-haute piété, s'il est une fois persuadé qu'il y va de la gloire de Dieu, il n'en reviendra jamais, et il nous en faudra passer par là, ce qui causerait un grand préjudice à nos observances. Il s'en est peu fallu que notre chant n'ait été retranché. Il nous laisse seulement nos Vêpres et nos Ténèbres, que nous chantons comme vous faisiez au temps que j'étais à Tours. Pour la grande Messe, il veut qu'elle soit chantée à voix droite, n'ayant nul égard à ce qui se fait soit à Paris, soit à Tours, mais seulement à ce que son esprit lui suggère être pour le mieux. Il craint que nous ne prenions de la vanité en chantant, et que nous ne donnions de la complaisance au dehors. Nous ne chantons plus aux Messes parce, dit-il, que cela donne de la distraction au Célébrant, et qu'il n'a point vu cela ailleurs. Notre consolation en tout cela est qu'il a eu la bonté de nous donner pour Directeur le R. P . Lallemant qui est notre meilleur ami, et avec qui nous pouvons traiter confidemment. Il a un soin incroyable de nous tant pour le spirituel que pour le temporel ; et comme il est très-bien dans son esprit, il rabat bien des coups qu'il nous serait difficile à supporter. J'attribue tout ceci au zèle de ce très-digne Prélat ; mais comme vous savez, mon intime Mère, en matière de règlement l'expérience le doit emporter par dessus toutes les spéculations.

 

Lettre à son fils, 1665

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Nous n'avons pas été exemptes de ces croix, car on nous a voulu faire perdre nos concessions disant que nos titres tout confirmez qu'ils sont, ne sont que fourberies. Cela était en débat au temps que j'étais quasi à l'extrémité. Notre Seigneur néanmoins me fit la grâce de me donner assez de forces pour écrire contre ces Messieurs. J'envoyais mes papiers à Monsieur le Gouverneur, le suppliant de sursoir cette affaire jusqu'à l'arrivée de Monsieur de Tracy qui règlerait les choses après en avoir pris les connaissances. Il m'accorda cette grâce malgré ces Messieurs qui déclamaient d'une étrange manière contre moi. Monsieur de Tracy ayant pris connoissance de l'affaire nous a promis sa protection, et il attend que Monsieur l'Intendant soit arrivé pour régler toutes choses. Vous voiez, mon très-cher Fils, que les serviteurs de Dieu souffrent par tout, mais que la divine Majesté prend leur cause, et le temps pour la faire réussir.

 

Illustration: Valentina Turetta, Pionnière du Christ

Vénérable Marie de l'Incarnation Supérieure des Ursulines de Québec

Ursulines de l'Union Romaine, rome 1958

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